jeudi 2 octobre 2008

Chronique universitaire

Jeudi matin, pavillon Judith-Jasmin.

Une grande classe sans fenêtre. Assises à des pupitres, une soixantaine d'étudiantes font face à une professeure en tailleur-jupe. Parmi elles, 3 représentants de la gent masculine tentent tant bien que mal de passer inaperçus.

Entre la professeure et les étudiantes, la conversation tourne depuis une heure autour de la 3e partie d'Angéline de Montbrun, un roman de Laure Conan que vous n'avez sans doute pas lu (d'ailleurs, à moins que vous vous intéressiez aux études québécoises ou féministes, je ne vous conseille pas spécialement de le faire non plus). C'est que la 3e partie en question prend la forme d'un journal intime et fait, disons, quelques entorses à la linéarité traditionnelle du récit. En d'autres termes, il y a des flash-back dedans.

Professeure féministe, concluant son argumentaire. On associe généralement les récits plus circulaires, plus cycliques, à l'écriture des femmes. On peut voir que le journal intime d'Angéline entre là-dedans, et donc on a vraiment l'émergence d'une voix de femme chez Laure Conan.

Étudiante sceptique, risquant une question. Mais il me semble que plusieurs auteurs masculins brisent aussi la linéarité, non? C'est pas juste les femmes qui utilisent l'analepse, non?

(Et voilà, vous venez d'apprendre un mot : une analepse, c'est un flash-back.)

Professeure féministe, indulgente pour cette brebis égarée. Oui, bien sûr, on retrouve ça chez certains grands auteurs masculins. Proust, par exemple. Quoique, Proust... Elle s'interrompt, pensive. En fait, pour certains, Proust n'est pas vraiment un grand auteur, parce qu'il n'est pas assez masculin, il n'est pas assez linéaire...

***

OK. Si quelqu'un me trouve QUI a pu être assez cave pour dire ça de Proust, je promets de ne plus chialer sur la mauvaise foi des études féministes pendant au moins deux semaines.

2 commentaires:

Marie-Pier a dit…

Proust, voyons, un apport minime à la littérature! Je pourrais t'écrire À la recherche du temps perdu en 2 semaines...
(Mais voyons dont!!!)

Awww.... je reconnais Genette sous ces mots... Une analepse, c'est tellement sexy! Grrrr!!!!!
(Ok, je ne suis pas normale!)

Esquimaude a dit…

Mets-en, mais une prolepse, c'est encore mieux! ;)