lundi 22 août 2011

Mme Maigret et moi

Je l’avoue. Parfois, seulement parfois, j’envie Mme Maigret.

Le matin, Mme Maigret se lève de bonne heure, prépare du café et en apporte une tasse à Maigret. Son mari parti, elle passe une partie de la matinée à faire son ménage, puis elle sort faire son marché avec son filet à provisions. La boucherie, la fruiterie, la fromagerie, la boulangerie. Toujours les mêmes fournisseurs, qu’elle connaît bien et en qui elle a confiance.

Ensuite, elle rentre à la maison et prépare un déjeuner bien français : de l’andouillette, ou du foie de veau. Certains jours, Maigret rentre déjeuner avec elle, marmonne quelques mots sur son travail et repart. D’autres jours, elle mange seule, et elle ne semble pas s’en plaindre.

Ses après-midi sont plus flous. Elle écoute la radio, lit les journaux, fait du tricot dans un square. Ou alors elle téléphone à sa sœur en Alsace. Et pour le repas du soir, elle prépare un plat bien français : de la blanquette de veau, ou de la raie au beurre noir. Avec Maigret, ils vont au cinéma après le repas, à pied, en se tenant par la taille. Ou alors, ils mangent avec leurs amis les Pardon, et Mme Maigret chuchote dans un coin avec Mme Pardon pendant que les hommes boivent de la prunelle.

Mme Maigret a la vie des femmes de sa génération, la vie que j’imagine à ma grand-mère lorsque les enfants avaient quitté la maison. Une vie simple, en ordre, heureuse et sans histoire. Parfois, seulement parfois, je l’envie. Pourtant, Mme Maigret est le contraire du féminisme, et le contraire de la vie que je mène. Mme Maigret est une ménagère exemplaire : timide, dévouée à son mari, gardant ses opinions pour elle et sans projet ou ambition qui lui appartienne. Elle est à cheval sur la propreté et sur la morale bourgeoise de l’époque - elle est même un peu prude.

Mais Mme Maigret réussit à faire tout ce que je ne sais pas faire : tenir sa maison propre, prendre le temps de choisir chaque ingrédient et cuisiner des repas complexes chaque jour, mener une vie paisible et organisée. Parfois, comme elle, j’aimerais être capable d’avoir une routine, de ne pas m’éparpiller sans cesse, de finir ce que je commence, de faire le ménage correctement, de me contenter de peu.

Parfois, j’aimerais que ma vie soit simple et prévisible comme celle de Mme Maigret.

Mais seulement parfois.