vendredi 27 novembre 2009

Question(s) ouverte(s)

Que pensez-vous de la littérature jeunesse?

Par jeunesse, j'entends surtout les romans jeunesses, pour enfants ou pour ados; pas tellement les albums à trois phrases par pages.

Vous, les littéraires, avez-vous des préjugés? Est-ce de la "vraie" littérature, au même titre que la littérature pour adultes? Où la situez-vous dans le champ littéraire?

Et les autres, les non littéraires, vous en pensez quoi? En avez-vous lu quand vous étiez jeunes? Avez-vous l'impression qu'écrire un roman jeunesse est plus facile? Plus difficile? Qu'il y a moins de contenu? Qu'est-ce que ça a comme valeur, à vos yeux?

Soyez honnêtes. Je répondrai la première.

vendredi 20 novembre 2009

Rose, derrière le rideau de la folie


Je serai plus brève aujourd'hui, ne vous en faites pas. Je veux simplement vous dire deux mots sur un livre superbe qui était lancé hier au Salon du livre.

La courte échelle a depuis quelque temps cette merveilleuse collection de poésie pour enfants et adolescents - une idée de génie, si vous voulez mon avis, car c'est probablement à ces âges qu'on est le plus sensible à la poésie. Et le dernier-né, Rose, derrière le rideau de la folie, d'Élise Turcotte et Daniel Sylvestre, est encore mieux qu'un recueil de poésie : il est illustré! Et pas illustré gnan-gnan, non. Illustré à la mesure de l'histoire qu'il raconte, celle de Rose à l'hôpital psychiatrique, tout en collages et en gribouillages apocalyptiques.

Si je connaissais un ado, je le lui offrirais. À la place, je me le suis acheté. Coup de coeur pour les listes (des choses que Rose déteste, qu'elle a envie de manger, qui font honte, qui sont douteuses, qui rendent fou...), pour le poème "Rose fait signer une pétition contre la nourriture de la cafétéria" et, dans l'ensemble, pour tout le travail d'illustration, de graphisme et de typographie. Et pour le joli titre aussi, qui, si on se fie au poème en exergue, est un hommage à Frida Khalo : "Je voudrais / pouvoir faire ce / qui me plaît derrière / le rideau de la folie."

À lire et à regarder.

samedi 7 novembre 2009

L'Amérique du Nord et la culture

En ce moment, ma façon de faire de la recherche ressemble beaucoup à de la navigation sur le web; vous savez, quand un clic en amène un autre et qu'à force d'aller de lien en lien, on finit par se retrouver sur un site qui était à mille lieues de ce qu'on cherchait au départ. En allant des notes de bas de page d'un article à celles d'un ouvrage, c'est comme sur Internet, on finit par tomber sur toutes sortes de drôles de choses.

Ma dernière trouvaille, à laquelle je suis arrivée par l'entremise de L'Écologie du réel, est un essai qu'on pourrait qualifier de philosophicosocial. L'Amérique du Nord et la culture, du Québécois Michel Morin, porte, bien sûr, sur l'Amérique du Nord et la culture, mais aussi, dans une perspective nord-américaine, sur la question nationale québécoise. Précisons qu'il a été publié en 1982 et que le sujet était particulièrement délicat à l'époque.

Le sujet n'est plus aussi chaud qu'alors et je ne suis pas la plus convaincue des souverainistes, mais je dois dire que l'avis de Morin sur l'indépendance m'a brassée.

Selon lui, "les intellectuels, pour autant qu'on puisse déceler chez eux une tendance dominante, au Québec, et peut-être aussi en Amérique du Nord, sont portés à surestimer l'importance et la signification des différences linguistiques" parce qu'ils présument que la langue est "l'expression nécessaire d'une tradition culturelle" et d'une "certaine vision du monde". Or, pour Morin, cette idée de la coïncidence d'une langue avec un contenu culturel défini, "caractéristique de la culture européenne", est fausse.

Énoncer une telle idée en 1982, alors que la question linguistique est au coeur des revendications nationales, c'est lancer un énorme pavé dans la mare. Surtout si on ajoute ensuite que "la différence linguistique des Canadiens français ne saurait [...] être considérée comme une survivance européenne en Amérique du Nord, et ne saurait en conséquence justifier le repli de cette différence à l'intérieur d'une représentation nationale à l'européenne." Pour Morin, il n'y a pas de contradiction entre le mode de vie nord-américain des Québécois et leur spécificité linguistique et, donc, "aucune urgence nationale". Il porte enfin le coup de grâce en affirmant "la faible qualité des oeuvres culturelles [que l'élite] s'emploie à produire malgré tout".

Bon, ouch. Ça choque évidemment de se faire dire tout cru que notre seul projet collectif est voué à l'échec parce qu'il s'appuie sur une prémisse fausse, et qu'en plus nos productions culturelles ne valent pas de la marde. On se pose des questions, on se demande si on n'essaie pas d'aller contre la nature nord-américaine, ou contre la mondialisation, the usual.

Puis on se rend compte que, finalement, la position de Morin est proche du plurilinguisme de Trudeau, sauf qu'il s'appuie sur Spinoza, alors ça a l'air plus impressionnant. Il suggère en effet que "la surestimation de la différence 'québécoise' procède d'une réflexion insuffisante sur la réalité nord-américaine", qui est celle du métissage linguistique et culturel. Ainsi, "la 'réussite' du Canada français n'aurait pas été de survivre en tant qu'identité ethnique homogène, mais au contraire, en raison d'une situation historique particulière, [...] d'être resté ouvert, disponible aux contacts avec l'autre (qu'il s'agisse de l'Indien, de l'Anglais, ou de l'Américain)". Enfin, il termine son essai en affirmant que le regroupement national ne peut être qu'une mauvaise idée puisque "l'avenir est du côté des individus, de l'individu instaurateur de sa propre loi, se donnant à lui-même son propre testament, forgeant sa propre langue" (ce qui est assez vrai, il faut dire).

En somme, la scission entre l'élite et le peuple vient de ce que l'élite n'a pas compris qu'on devrait vivre dans la diversité (donc elle s'acharne à réaliser un vieux modèle européen), alors que le peuple, lui, a tout saisi, puisqu'il vit dans la cohabitation paisible des individualités diversifiées.

C'est bien beau tout ça, mais il y a un truc qui m'échappe : les Québécois, ouverts sur l'autre? Depuis quand, exactement?

dimanche 1 novembre 2009

Le problème avec Facebook

Je ne sais pas pour vous, mais quand je lis un auteur (ou un style de texte) de façon soutenue, la narration interne de pensées se trouve toujours plus ou moins influencée par le ton dudit auteur ou dudit texte. Pour vous donner un exemple, si je lis Proust, je me mets à penser en phrases interminables et à conjuguer au passé simple et à l'imparfait du subjonctif, en plus d'avoir beaucoup de pensées digressives sur la beauté du paysage et la nature humaine. Si je lis des articles théoriques, je me mets plutôt à penser de façon concise et argumentative. Bon, évidemment, j'exagère, mais vous comprenez.

Le problème avec Facebook, c'est que je pense de plus en plus sous forme de statut Facebook. Vous savez, du genre "Maude est allée voter et compte sur vous pour faire pareil" (j'espère d'ailleurs que vous y êtes allés!). Je vis/vois/pense/fais quelque chose et, aussitôt, un statut Facebook se forme dans ma tête, plus ou moins involontairement. Le statut est devenu un un réflexe.

Contrairement au style proustien, ça a l'avantage de faire travailler mon esprit de synthèse, mais là n'est pas la question. Le fait est que Facebook a modifié non seulement le mode d'expression de nos pensées, mais la nature même de ces pensées (on n'a qu'à penser à ces soirées où l'on a l'impression que la personne qui photographie l'événement planifie en temps réel son album Facebook). Et tout ça porte sérieusement à réfléchir.

On peut penser que Facebook répond à un désir d'exhibitionnisme égocentrique : le besoin de se représenter et de vivre pour et par la représentation de soi est certainement typique de l'individualisme et de la culture de l'image contemporains.

Pourtant, dans L'individu incertain, Alain Ehrenberg suggère que cette obsession contemporaine du témoignage ne serait pas le fait d'une dissolution du social dans la plasticine individualiste, mais plutôt une tentative désespérée de maintenir le lien social dans une société désertée par le politique. On pourrait donc considérer Facebook comme le catalyseur d'un désir de communication et de cohésion sociale (parce que le statut et les albums suscitent des réponses, des commentaires, des interactions, on en abuse).

...


Quoi qu'il en soit, je vais quand même essayer de me passer de statut Facebook pour quelques jours, le temps de retrouver un mode de pensée un peu plus normal et, surtout, d'arrêter de parler de moi-même à la troisième personne.