vendredi 11 septembre 2009

Home sweet home

Mardi 8 septembre, Université de Montréal.

Je me dirige avec un peu d'appréhension vers mon premier séminaire de maîtrise. C'est beaucoup de nouveauté d'un coup : nouvelle université, nouveau style de cours, nouveaux étudiants, nouveau prof... Ça me donne des petits papillons dans l'estomac.

Et malgré toutes ces nouveautés, tout à coup, j'ai envie de crier "home sweet home". Pourquoi? Parce que ledit prof, dans un très sérieux séminaire de maîtrise en littérature, à la très sérieuse Université de Montréal, a dit : "Le théâtre, au fond, c'est pas vraiment de la littérature..."

ENFIN!

Ça n'a l'air de rien comme ça, mais un chercheur rattaché à un département de littérature qui parle de représentation, de théâtralité et d'écriture scénique, qui montre des captations parce que Pol Pelletier, faut la voir jouer, qui parle du jeu de Marc Labrèche dans Les aiguilles et l'opium de Robert Lepage, bref qui envisage le théâtre comme un art vivant, éphémère et dont l'aspect littéraire n'est qu'un infime partie, c'est complètement inespéré et, d'après mon expérience, terriblement rare.

Voyez-vous, les études littéraires ont tendance à vouloir s'approprier le théâtre sous prétexte que le texte dramatique en est le seul élément durable (les captations, ça compte pas, c'est le plus souvent nul à chier). Bien sûr, les chercheurs qui s'intéressent au théâtre tiennent minimalement compte du contexte scénique, mais ils ont trop souvent une vision figée dans l'époque classique, celle où l'auteur de théâtre et, surtout, son texte étaient effectivement au centre de la représentation et où le metteur en scène tel qu'on le connaît aujourd'hui n'existait pas.

Le hic, c'est que non seulement cette vision restreint considérablement le champ d'études, mais elle empêche même tout compréhension réelle du théâtre contemporain, dans lequel le texte est souvent intimement lié à une écriture scénique et donc à la représentation elle-même. Dire que le théâtre est un genre littéraire, c'est nier l'essence même de cet art, et c'est nier son histoire.

Pensez-y : personne ne viendra affirmer sérieusement que la commedia dell'arte, les Passions du Moyen-Âge et le théâtre de boulevard, mais aussi les spectacles de Robert Lepage sont des genres littéraires.

Vous pouvez donc imaginer à quel point ça m'a fait du bien d'entendre ça et, du même coup, à quel point ça m'a réconciliée avec la rentrée...

(et désolée, pas d'image aujourd'hui : j'ai pas envie de vous mettre des maudits masques quétaines!)

5 commentaires:

Marie-Pier a dit…

Tu vois, c'est cette vision du théâtre qui me bloquera dans mon futur emploi. Plusieurs cours de théâtre au collégial, et même s'il ne s'agit pas du cours de français, sont rattachés au département de français. Je regarde les plans de cours et je me dis : comment celui qui est engagé et qui a le "profil" (un maître en littérature) peut-il amener les étudiants à atteindre l'un des objectifs de monter un extrait en classe s'il ne l'a pas fait lui-même plusieurs fois dans sa vie? Comment peut-il demander une critique quand il n'a pas maintes et maintes fois analysé un spectacle? (Je ne parle pas de toi, tu as des études théââââtrales!!!) Enfin, je sens que la lutte est encore à faire si je veux enseigner le théâtre au cégep à des étudiants qui ne sont pas nécessairement dans un profil d'art dramatique. Enfin, on en reparlera..... Oh! et merci de nous épargner les masques! :P

Anne a dit…

Je suis contente que tu apprécies ton séminaire à l'UdeM! C'est génial la CREPUQ, on devrait obliger tous les étudiants à prendre un séminaire dans une autre université... ça nous sort de notre confort et nous confronte à d'autres approches.

Je me demandais aussi si tu connaissais Jean-Marc Larrue, prof associé à l'UdeM? Il donne un séminaire en cinéma, mais c'est un spécialiste du théâtre et de l'intermédialité. Un monsieur très intéressant.

Esquimaude a dit…

Marie : en effet, dans les cégep, à part dans les DEC spécialisés, il faut être prof de littérature pour enseigner le théâtre, ce qui donne parfois lieu à des aberrations... Et pourtant, si on modifiait la vision, ça intéresserait probablement davantage les étudiants!

Anne : Ah non, je le connais pas! Il faudra que tu m'en parles plus longuement. Je vais le googler, tiens... :)

Et en effet, j'adore la CREPUQ, on devrait populariser la pratique. Ça nous permet aussi d'avoir accès à de nouveaux savoirs, pas nécessairement accessibles autrement : discuter de Daniel Danis avec Gilbert David n'a rien à voir avec lire ses articles sur le sujet...

Danger Ranger a dit…

Je ne sais pas si l'ouvrage fait partie de la bibliographie de ton séminaire - ça devrait, vu qu'il semble avoir fait autorité - mais en tout cas si ça t'intéresse j'ai 'Lire le théâtre II. L'École du spectateur', d'Anne Ubersfeld. C'était pour ainsi dire le «manuel» dans le cours de théorie de la représentation théâtrale que j'ai suivi avec Jeanne Bovet. Je ne souhaite pas le vendre (même si je ne m'intéresse pas particulièrement au théâtre, c'est tellement riche, précis et détaillé, de mémoire, que je veux pouvoir le consulter plus tard, qui sait?) mais je te le prêterai volontiers.

Esquimaude a dit…

Oui oui oui, il est dans ma bibliographie, et j'ai bien l'intention de l'acheter! En fait, je me demande pourquoi on ne me l'a jamais fait acheter pendant mon bacc en dramaturgie, y me semble que ça aurait été pertinent.

Merci pour l'offre de prêt, cela dit - mais j'aime bien posséder les textes théoriques sur le théâtre et sur la littérature, puisque ce sont mes deux champs de recherche et d'amour...