vendredi 27 novembre 2009

Question(s) ouverte(s)

Que pensez-vous de la littérature jeunesse?

Par jeunesse, j'entends surtout les romans jeunesses, pour enfants ou pour ados; pas tellement les albums à trois phrases par pages.

Vous, les littéraires, avez-vous des préjugés? Est-ce de la "vraie" littérature, au même titre que la littérature pour adultes? Où la situez-vous dans le champ littéraire?

Et les autres, les non littéraires, vous en pensez quoi? En avez-vous lu quand vous étiez jeunes? Avez-vous l'impression qu'écrire un roman jeunesse est plus facile? Plus difficile? Qu'il y a moins de contenu? Qu'est-ce que ça a comme valeur, à vos yeux?

Soyez honnêtes. Je répondrai la première.

16 commentaires:

Esquimaude a dit…

Personnellement, je suis ambivalente. En littérature, mais aussi en général, on a tendance à dévaloriser les auteurs jeunesses, plus même que les compagnies de théâtre qui font des spectacles pour enfants.

Pourtant, mon fantasme théâtral ultime a toujours été de monter un spectacle pour ados. C'est le pire public, et c'est pour ça qu'il m'attire.

Je vous pose toutes ces questions parce qu'au bout du compte, j'ai peut-être écrit un roman pour ados sans que ce soit intentionnel (quoique c'était intentionnellement sur l'adolescence et la difficulté de grandir), et j'ai envie de l'envoyer chez des éditeurs de jeunesse, mais une petite partie de moi dit encore "Il me semble que ça pourrait être plus que ça."

Je suis bourrée de préjugés, hein? Allez, dites-le, c'est mal, je sais.

Anne a dit…

Je pense qu'écrire un bon roman pour ados est un défi réel. Je fouine assez dans les manuscrits reçus à Québec Amérique (peut-être parce qu'ils traînent dans mon salon) pour savoir que beaucoup d'auteurs moyens visent les ados parce qu'ils croient que ce sera facile d'être cool, de glisser un french et un saut en parachute dans un roman de 200 pages. Ou du fantastique : magie blanche et bal de fin d'année, ça aussi c'est pas mal winner. Personnellement, je ne lisais pas de romans pour ados, je crois avoir sauté directement à Stephen King après mon dernier Courte Échelle.

En tous cas, je n'ai pas lu ton manuscrit, mais je ne trouve pas ça gênant du tout comme public cible. Au moment de l'envoyer aux maisons d'éditions, tu peux aussi indiquer que tu ne sais pas exactement où le situer...

Joëlle a dit…

La littérature pour ados et pour enfants, c'est de la littérature, selon moi. C'est un style d'écriture et un lectorat plus précis, oui. Mais c'est aussi se permettre des histoires, des images et des imaginaires qu'on ne pourrait probablement pas utiliser ailleurs ou autrement. Surtout, il est temps que les plus jeunes lisent des oeuvres québécoises de qualité, faites pour eux. Il en existe déjà quelques-unes, c'est bien, mais il en faut plus plus plus! :)

Si tu veux savoir Esquimaude (hihi!) ce qu'est une bonne oeuvre pour ados qui n'est ni quétaine ni cliché, lis "Le Roman de Sara" d'Anique Poitras. Ça été mon premier roman (en 4 courts tomes) que j'ai considéré comme de la littérature, instinctivement. Encore aujourd'hui, il compte parmi les belles oeuvres que j'ai lues.

Donc tout ça pour dire que oui, la littérature jeunesse et enfants c'est de la littérature, et ça prend toute une maîtrise du style et du langage pour faire une bonne oeuvre! :)

Esquimaude a dit…

Anne : Ouais, d'ailleurs Québec Amérique fait les deux... Je me demandais, c'est combien de pages, d'habitude, leurs livres jeunesse?

Joëlle : je l'ai lu aussi (et relu plusieurs fois à l'époque), mais quand je suis retombée dessus récemment, j'ai été déçue de constater que c'était plutôt mal écrit... Sauf que je ne m'en suis pas rendu compte sur le coup, en le lisant. Et puis ça n'a pas empêché le succès monstre de ces livres. C'est un peu ça qui me fait douter, finalement...

Je pense que mon héroïne reste Dominique Demers, qui réussit à écrire des romans pour ados que les adultes aussi lisent.

Marie-Pier a dit…

Évidemment, la littérature jeunesse fait partie de la littérature avec un grand L. Je ne crois pas qu'il soit plus facile d'écrire un roman pour ados. Je trouve même que cela doit être plus difficile. Les ados et pré-ados sont critiques, ils ne s'en laissent pas passer. De plus, ils ne sont plus si facilement impressionnables. Vraiment, c'est très difficile d'écrire pour les jeunes. Il ne faut pas sortir un vocabulaire trop intense, mais sans se censurer... et surtout sans baisser la barre. Ils sont intelligents, les jeunes.

J'ai un parti-pris, assurément. J'adore la littérature et le théâtre jeunesse. Mes meilleurs exemples restent Jasmine Dubé et Marie-Francine Hébert, ces femmes qui parlent de sujets tabous dans leurs romans )tout comme dans leurs pièces) et qui s'adressent quand même aux enfants et aux ados. Elles ne les prennent pas pour une classe à part. Ils sont là, forts et intelligents. Ils n'ont juste pas tous les référents, mais ils sont prêts à les obtenir.

Cela dit, plusieurs adultes sont moins ouverts que ces jeunes. Ou d'autres sont trop gentils quand une oeuvre est carrément mauvaise.

Esquimaude a dit…

Malgré toute notre bonne volonté, une chose est sûre : la littérature jeunesse est boudée par les études littéraires.

La critique (au sens universitaire du terme) la classe dans ce qu'on a appelé la "paralittérature" (et qu'on appelle maintenant, plus heureusement, la littérature de genre), aux côtés de tout ce qu'elle juge indigne de son regard universitaire (le policier, l'érotique, la BD, la science-fiction, le roman d'aventure, etc.).

Je crois que mes (assez minces) préjugés viennent de là. Pourtant, j'adooooore la littérature de genre.

Anne a dit…

Au sujet du nombre de pages, chez QA, la collection Titan doit osciller autour de 250-300 pages. Mais les grosses briques de Stephenie Meyer font bien 650 pages!

Moi, mon préjugé avec la littérature pour ados, c'est que c'est une littérature "surconsciente"... il me semble que tous les romans jeunesse mettent en scène une tentative de suicide, une confidence douloureuse, une fugue, une première relation sexuelle et un cancer. C'est toujours très gros, comme si les auteur(e)s voulaient mettre le paquet et plogger toute une saison de Watatatow.

Marie-Pier a dit…

"Le policier, l'érotique, la BD, la science-fiction, le roman d'aventure, etc."

Je juge tout cela comme de la vraie littérature. Évidemment, il y a dans tous ces genres littéraires des chefs-d'œuvres et des navets. Comme partout ailleurs.

Venez me dire qu'Arthur Conan Doyle et qu'Asimov ne font pas partie de la littérature!!! Tout le monde sur le même pied d'égalité, s'il-vous-plaît!

Ariane a dit…

Honnêtement, je me fiche pas mal que la littérature pour ados soit considérée comme de la vraie littérature ou pas. La seule chose que je peux te dire, c'est que les Dominique Demers, Anique Poitras, Tania Boulet et autres auteur(e)s "pour ados" m'ont donné le goût de la lecture, m'ont permis de m'évader et ont certainement marqué mon adolescence. Il m'arrive encore d'ailleurs parfois de relire des romans destinés aux ados. D'ailleurs, avec les succès récents de séries destinées aux ados, mais qui plaisent aussi aux adultes (Harry Potter, Twilight), je ne vois pourquoi ton roman, s'il est bon, ne pourrait pas transcender les genres.

Pour moi, un bon livre, c'est un bon livre, point. Que ce soit un roman jeunesse, policier, Harlequin ou un prix Goncourt, je m'en fiche. Et je n'estimerai pas plus ou moins l'auteur selon le "genre" qu'il a choisi d'épouser. C'est mon humble avis de fille n'étudiant pas en littérature!

Catherine a dit…

Je ne crois pas que la littérature pour ados soit de la Littérature-avec-un-grand-L (comme tu ne crois pas que la littérature pop en soit réellement, repensons au long échange avec Stéphane Dompierre!).

Pis?

Rien, ça peut être très bon quand même. Et c'est utile. Et ça a sa place.

Mais c'est sûr qu'un roman écrit pour les ados sera lu par des ados qui vont vieillir et probablement pas le traîner toute leur vie dans leur bibliothèque pour en relire des passages régulièrement (remarque, je dis ça et je le relis trop souvent des bouts de Harry Potter). C'est peut-être pour ça que c'est considéré comme de la para-littérature, dans la mesure où ça s'adresse à un public restreint appelé à "dépasser" l'oeuvre.

William a dit…

Je pense qu'il y a un réel danger à considérer la littérature comme un système binaire (Littéraire/non-Littéraire). Surtout quand ça vient avec un lot de jugements positif/négatif. Ça fait exclusif et élitiste sur les bords... C'est pas mal plus compliqué à classer: chacun a son propre système de valeurs qui tient plus ou moins compte des critères qu'on connait (qualité de l'écriture, complexité de la forme, du fond, les ventes en librairies, public cible, etc.).

Un côté de moi se veut ultra-démocratique et trouve qu'il n'y a pas de "mauvaise" lecture. Et un côté de moi a encore beaucoup de misère à classer sa copie du premier Harry Potter dans la même bibliothèque que les fictions de Borges, Élyse Turcotte et William Faulkner, tsé?


J'ai tendance à voir ça comme une espèce de continuum avec plusieurs "degrés" de littérarité. Et puis, pour en avoir vu passer en mautadine des livres en processus de publication, je peux te dire que même à l'intérieur des catégories "adulte"/"jeunesse", t'as toute une gradation qualitative (encore une fois pas mal subjective).

Faut dire, par contre, qu'il y a un océan de différence entre un roman pour ados et un roman sur l'adolescence. Les romans pour ados ne sont pas toujours sur l'adolescence, ils ciblent parfois plus un lecteur qui n'a pas lu x, y, z, qui ne comprendrait pas telle référence, qui est peut-être pas aussi sensible à une écriture expérimentale, etc. À l'inverse, les romans sur l'adolescence ne sont pas toujours pour ados.

Et, nuance sur nuance, les anglais classent Moby Dick de Melville, et Huckleberry Finn et Tom Sawyer de Mark Twain autant en adulte qu'en jeunesse, alors. Et, pour les ados, t'as le bon vieil exemple de The Catcher in the Rye, un roman sur l'adolescence, lu autant par les ados que par quiconque.

Il reste que de considérer la démarche d'écriture d'une Dominique Demers (pour tout le bien sincère que j'en pense) comme étant équivalente à celle de, disons, Nicolas Dickner, c'est d'aplatir pas mal le paysage littéraire. En plus du processus d'écriture, il y a tout un travail éditorial qui dirige une oeuvre vers ce qui doit être pour l'auteur un lectorat idéal.

Je pense que ma pensée se résume plus dans le commentaire de Catherine. T'as écrit qqch sur/pour les ados: so what?

Faut se débarrasser parfois de certains complexes Debordiens (ça existe?) ou Bourdieusiens, sinon nos manuscrits restent dans nos tiroirs et on se convainc toute notre vie d'avoir conservé une intégrité artistique que personne n'arrive réellement à définir.

Esquimaude a dit…

Le cas de Catcher in the rye que tu soulèves, William, me trotte dans la tête depuis quelques jours. En effet, "sur" l'adolescence ne veux pas nécessairement dire "pour". Et bon, je suis d'accord avec toi sur l'analogie à ne pas faire entre Demers et Dickner - personnellement, j'aimerais quand même mieux être du côté Dickner.

Au point où j'en suis, j'ai presque envie de jouer sur tous les plans, d'envoyer ce manuscrit autant chez des éditeurs jeunesse que chez des "adultes", et on verra qui en voudra.

Mais là, je me pose une question très technique, et très naïve : considérant le temps de réponse inégal des éditeurs, comment gérer l'envoi?

Bon, j'en ai ciblé quelques-uns, dont certains qui font les deux, mais il y a évidemment un classement qualitatif dans ma tête. Vaut-il mieux envoyer d'abord à ceux qu'on préfère, et si ça marche pas, faire une deuxième série d'envoi? Ou tout envoyer d'un coup?

T'as fonctionné comment, toi, Will?

Anna a dit…

Je travaille dans une bibli d'école primaire - je veux tellement tellement faire aimer la lecture aux enfants.

J'ai lu des milliards de livres à 3 lignes par page. Des romans.. Sara, Cassiopée, Marie-Lune. J'ai vu des pièces de théâtre pour enfants et depuis quelques années, je rêve d'écrire pour ces jeunes-là, pour leur donner encore plus le goût de s'intéresser aux livres, quand ils seront grands.

Et quand un groupe de 6e année me dit : Raconte-nous une histoire.. j'applaudis très très fort.

Littérature ou pas, c'est quand on est petit qu'on a la piqûre.

Faque awayez, gens littéreux, écrivez pas juste pour les Grands, écrivez aussi (surtout) pour les petits de rien du tout.

Danger Ranger a dit…

«Pourtant, mon fantasme théâtral ultime a toujours été de monter un spectacle pour ados. C'est le pire public, et c'est pour ça qu'il m'attire.»
- Hum! Paroles d'une vraie courageuse.

Pour ta question, je ne sais pas. Je relis parfois deux romans pour ados que je garde dans ma bibliothèque, et je les aime autant que quand je les ai lus pour la première fois. Aussi, pour moi, des romans qu'on dit pour adultes, comme Da Vinci Code et les romans de Patrick Sénécal, c'est pour ados (hihi je suis de mauvaise foi, je ne les ai pas lus - mais c'est vrai quand même).

Ma réponse: la littérature n'a pas d'âge.

L'an dernier, j'ai donné à mon fils un exemplaire de mon recueil de nouvelles. Il a eu onze ans cet été. C'est horrible, dira-t-on peut-être, quelle irresponsabilité! Pas du tout. Si jamais il lui prend d'ouvrir le livre, croustillant pas croustillant, il n'y comprendra rien, ça lui tombera des mains. Le jour où ça l'intéressera assez pour qu'il se mette à le lire, ce jour-là, il sera assez vieux pour le lire. C'est pas mal comme ça que je vois les choses.

Il faut écrire avec son coeur, sans se faire des peurs ni s'embellir la réalité. C'est une erreur d'écrire en ciblant un public restreint si le besoin n'en part pas de profondément en-dedans.

Danger Ranger a dit…

(Et fuck ce qu'en pensent les études littéraires! Comprennent rien à rien.)

Esquimaude a dit…

Ranger, à la suite de cette discussion très web 2.0 et de pas mal de réflexion, je caresse désormais l'espoir de te joindre dans les rangs des auteurs de Ta Mère (bon, j'y suis un tout petit peu, mais pas avec un livre au grand complet).

À suivre en 2010!