dimanche 1 novembre 2009

Le problème avec Facebook

Je ne sais pas pour vous, mais quand je lis un auteur (ou un style de texte) de façon soutenue, la narration interne de pensées se trouve toujours plus ou moins influencée par le ton dudit auteur ou dudit texte. Pour vous donner un exemple, si je lis Proust, je me mets à penser en phrases interminables et à conjuguer au passé simple et à l'imparfait du subjonctif, en plus d'avoir beaucoup de pensées digressives sur la beauté du paysage et la nature humaine. Si je lis des articles théoriques, je me mets plutôt à penser de façon concise et argumentative. Bon, évidemment, j'exagère, mais vous comprenez.

Le problème avec Facebook, c'est que je pense de plus en plus sous forme de statut Facebook. Vous savez, du genre "Maude est allée voter et compte sur vous pour faire pareil" (j'espère d'ailleurs que vous y êtes allés!). Je vis/vois/pense/fais quelque chose et, aussitôt, un statut Facebook se forme dans ma tête, plus ou moins involontairement. Le statut est devenu un un réflexe.

Contrairement au style proustien, ça a l'avantage de faire travailler mon esprit de synthèse, mais là n'est pas la question. Le fait est que Facebook a modifié non seulement le mode d'expression de nos pensées, mais la nature même de ces pensées (on n'a qu'à penser à ces soirées où l'on a l'impression que la personne qui photographie l'événement planifie en temps réel son album Facebook). Et tout ça porte sérieusement à réfléchir.

On peut penser que Facebook répond à un désir d'exhibitionnisme égocentrique : le besoin de se représenter et de vivre pour et par la représentation de soi est certainement typique de l'individualisme et de la culture de l'image contemporains.

Pourtant, dans L'individu incertain, Alain Ehrenberg suggère que cette obsession contemporaine du témoignage ne serait pas le fait d'une dissolution du social dans la plasticine individualiste, mais plutôt une tentative désespérée de maintenir le lien social dans une société désertée par le politique. On pourrait donc considérer Facebook comme le catalyseur d'un désir de communication et de cohésion sociale (parce que le statut et les albums suscitent des réponses, des commentaires, des interactions, on en abuse).

...


Quoi qu'il en soit, je vais quand même essayer de me passer de statut Facebook pour quelques jours, le temps de retrouver un mode de pensée un peu plus normal et, surtout, d'arrêter de parler de moi-même à la troisième personne.

10 commentaires:

EBR a dit…

Adieu facebook

http://braavoo.canalblog.com/
http://braavoo.over-blog.com/

Caroline Dault a dit…

Je suis totalement d'accord... bien que totalement incapable de suffisamment de volonté pour imiter ton geste.
Moi aussi, je pense constamment (et involontairement) ma vie en statut facebook... mais le plus drôle c'est que dans mes statuts fictifs, il n'y a aucune censure. Il peut donc m'arriver de penser à des trucs du genre "Caroline a très envie de caca"... Heureusement, le lien entre le cerveau et l'ordinateur n'est PAS l'application facebook du jour.

William a dit…

William pense que c'est un christie de drôle d'adon qu'on parle de la même affaire sur nos blogues respectifs.

J'avais pas lu ceci. Mais mon texte s'inspire du même fait étrange: la contamination du langage facebookien dans ma pensée quotidienne. J'ai l'habitude d'être influencé par les auteurs que je lis dans pas mal tout ce que j'écris. Mais pas dans mon esprit. Je crois que la différence est dans l'idée que c'est un véritable mode d'expression et qu'il est relativement nouveau dans son potentiel infini de banalités.

Clarence L'inspecteur a dit…

J'ai trouvé ça sur le site de McSweeney. Comme ça vous concerne tous les deux, je le copie sur ton blog et sur celui de Will. Enjoy.

HAMLET
(FACEBOOK NEWS
FEED EDITION).
BY SARAH SCHMELLING

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Horatio thinks he saw a ghost.

Hamlet thinks it's annoying when your uncle marries your mother right after your dad dies.

The king thinks Hamlet's annoying.

Laertes thinks Ophelia can do better.

Hamlet's father is now a zombie.

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The king poked the queen.

The queen poked the king back.

Hamlet and the queen are no longer friends.

Marcellus is pretty sure something's rotten around here.

Hamlet became a fan of daggers.

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Polonius says Hamlet's crazy ... crazy in love!

Rosencrantz, Guildenstern, and Hamlet are now friends.

Hamlet wonders if he should continue to exist. Or not.

Hamlet thinks Ophelia might be happier in a convent.

Ophelia removed "moody princes" from her interests.

Hamlet posted an event: A Play That's Totally Fictional and In No Way About My Family

The king commented on Hamlet's play: "What is wrong with you?"

Polonius thinks this curtain looks like a good thing to hide behind.

Polonius is no longer online.

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Hamlet added England to the Places I've Been application.

The queen is worried about Ophelia.

Ophelia loves flowers. Flowers flowers flowers flowers flowers. Oh, look, a river.

Ophelia joined the group Maidens Who Don't Float.

Laertes wonders what the hell happened while he was gone.

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The king sent Hamlet a goblet of wine.

The queen likes wine!

The king likes ... oh crap.

The queen, the king, Laertes, and Hamlet are now zombies.

Horatio says well that was tragic.

Fortinbras, Prince of Norway, says yes, tragic. We'll take it from here.

Denmark is now Norwegian.

Esquimaude a dit…

HAHAHAHAHAHAHA!

(ok, je viens de me rouler par terre, presque; ça bat TOUTES les réinterprétations d'Hamlet que j'ai jamais imaginées - et j'en ai imaginé plusieurs, avec les filles de Critique et dramaturgie...)

Anne a dit…

La dernière fois qu'on est allé à Sherbrooke, on est rentré dans une micro-brasserie du centre-ville où, à notre grande surprise, il y avait un photographe qui avait installé tout son stock (flash, fond blanc, accessoires...) dans un coin, entre les tables. « Venez faire prendre gratuitement votre photo facebook! » que ça disait, sur l'affiche.

William a dit…

OUI! C'était pire en fait: il s'agissait d'une véritable soirée "prenons des photos de profil Facebook"! Les gens étaient attriqués en conséquence (comme une gang de graines) et le bar semblait presque avoir été réservé pour ça!

Il va sans dire qu'on a décrissé.

Catherine a dit…

En même temps, c'est tellement gros! J'aurais été partagée entre l'envie de faire prendre ma photo et celle de partir en courant...

Catherine a dit…

Avez-vous entendu parler de "The Man Who Painted Agnieszka’s Shoes" ? C'est un roman écrit par Dan Holloway entièrement sur Facebook avec commentaires et discussions des lecteurs.

Enfin, je voyais un lien entre ça et ton texte et celui de William.

Esquimaude a dit…

C'est pousser encore plus loin le concept du blogue de création... Je pense que je trouve ça trop.

(et que dire du photographe officiel de photo de profil!)