La Presse d'aujourd'hui consacre les premières pages de son premier cahier (et ce n'est pas peu dire) aux lectures obligatoires au secondaire. Moi qui trouve qu'on ne parle pas assez de littérature dans les médias, je ne me plains pas. D'autant plus que la tendance générale des articles est qu'on ne devrait pas imposer des oeuvres aux profs de français, mais tenter de rendre le cheminement des élèves un peu plus cohérent en suggérant une progression.
Pas fou. C'était le cas à mon école secondaire (privée, shame on me). Je me rappelle en tout cas qu'en secondaire 3, on lisait surtout des contes; en secondaire 4, du théâtre et des oeuvres françaises; et en secondaire 5, de la littérature québécoise. Et, si je me souviens bien, on avait une dizaine d'oeuvres à lire chaque année, soit le double des cinq oeuvres recommandées par le Ministère. Et pas de ce que Lise Bissonnette appelle de la "malbouffe culturelle".
Car il y a là une grosse part du débat dans les pages de La Presse : jusqu'à quel point devons-nous mettre au programme des livres que les jeunes vont aimer (certains font lire Twilight) sous prétexte qu'on veut leur faire aimer la lecture? Et doit-on absolument lire Maria Chapdelaine sous prétexte de se forger une culture?
Personnellement, je suis plutôt au centre du débat. Pour le plaisir de lire, mais contre le best-seller à tout prix. Pour la culture, mais contre l'imposition d'oeuvres qui risque de dégoûter les élèves de la lecture. Si, au secondaire, on m'avait donné à lire Twilight (ou un roman ado de la Courte échelle, malgré tout le respect que j'ai pour cette maison), j'aurais franchement décroché. Mais j'ai décroché aussi à Maria Chapdelaine. Tout est une question de dosage. On peut faire dans l'amusant tout en se cultivant. Allez lire Assommons les pauvres de Baudelaire, vous verrez de quoi je parle.
Malgré tout l'intérêt que je porte à la littérature de genre (je ferais lire un Simenon ou un Asimov à mes étudiants sans problème), je reste quand même méfiante envers ceux qui n'enseignent que ça sous prétexte que "les faire lire, c'est déjà une victoire". Élitisme universitaire, me direz-vous? Je ne sais pas. Oui, il faut tenir compte du fait que les élèves, souvent, n'aiment pas lire. Mais si l'école ne les pousse pas à sortir des ornières de la culture populaire, ne serait-ce que le temps d'un seul livre, ils ne le feront jamais. Ils continueront de consommer des films hollywoodiens et des télés-réalités, et ne sauront pas trop qui sont Michel Tremblay et Émile Zola. Est-ce le genre de spectateurs/lecteurs qu'on veut former?
En fait (et c'est triste à dire), ce que je vois chez les futurs enseignants au secondaire que je côtoie depuis 4 ans me pousse à me demander jusqu'à quel point les profs de français qui font lire Twilight le font pour faire lire les élèves, ou parce qu'ils ont eux-mêmes peur des oeuvres dites "classiques"...