mercredi 3 juin 2009

Plaisir démodé

Il faut que je vous avoue un truc. Un aveu qui va me faire paraître un peu old school, un peu dépassée, un peu classique, un peu rétrograde, même. Mais qu'importe. Vraiment, je ne peux plus garder ça pour moi. Allez, je vous le confesse : j'adore les alexandrins.

Attention : pas en poésie, où ils ont souvent un petit quelque chose d'obsolète et de froid; mais au théâtre. Les alexandrins au théâtre, ah! C'est quelque chose.

Je sais, je sais, le théâtre en vers, c'est tellement dépassé. Mais honnêtement, comment peut-on résister à une tirade de Racine ou de Molière quand on prend soin de prononcer en lisant toutes les syllabes qui composent chaque vers? Et les rimes, ah! les rimes... Dans un dialogue, c'est tellement incongru, c'en est charmant!

Tenez, je vous fais un petit florilège improvisé tiré d'oeuvres de ces deux messieurs, faites-vous plaisir et lisez-les à voix haute :


Dans un mois, dans un an, comment souffrirons-nous,
Seigneur, que tant de mers me séparent de vous?
Que le jour recommence et que le jour finisse,
Sans que jamais Titus puisse voir Bérénice,
Sans que de tout le jour je puisse voir Titus?
(Racine, Bérénice, acte IV, scène 5)


OENONE. Il a pour tout le sexe une haine fatale
PHÈDRE. Je ne me verrai point préférer de rivale.
Enfin tous tes conseils ne sont plus de saison.
Sers ma fureur, Oenone, et non point ma raison.
(Racine, Phèdre, acte III, scène 1)


Sur quelque préférence une estime se fonde
Et c'est n'estimer rien qu'estimer tout le monde.
(Molière, Le Misanthrope, Acte I, scène 1)


Ah ! pour être dévot, je n'en suis pas moins homme ;
Et lorsqu'on vient à voir vos célestes appas,
Un cœur se laisse prendre, et ne raisonne pas.
Je sais qu'un tel discours de moi paraît étrange ;
Mais, Madame, après tout, je ne suis pas un ange.
(Molière, Le Tartuffe, acte III, scène 3)


Entendez-vous la musique? Et ces formulations qui font des pirouettes pour respecter la contrainte? Et ces contenus anecdotiques transformés en délices par la rime et le rythme? Je ne me lasse pas. Je pourrais relire tout Molière sans m'embêter juste pour le plaisir de lire des (bons) alexandrins. Que voulez-vous, c'est mon petit côté anachronique...

5 commentaires:

Marie-Pier a dit…

Je te montrerai mon "Tout Racine" spécial quand tu viendras dans mon chez-moi... :P

Xandrine a dit…

(bon, les alexandrins, ça va. mais les alexandrines elles!!?)

Esquimaude a dit…

(je les aime encore PLUS que les alexandrins!)

Danger Ranger a dit…

J'ai eu un cours sur Racine avec un spécialiste du théâtre classique (Antoine Soare), et il ne pouvait pas trop insister en nous répétant de ne pas faire l'économie de l'emphase à la lecture: prononcer mentalement les e muets là où il le faut, et la diérèse, et la synérèse... parce que ça joue sur le sens, révèle des intentions...

Esquimaude a dit…

En effet, les vers ne sont pas écrits comme ça au hasard...